vendredi 20 novembre 2009

Chronologie d'une rénovation urbaine









photographie © Fabien Legay

Le quotidien érode imperceptiblement le regard que nous portons sur ce qui nous entoure.

Lorsqu’on s’installe quelque part, il suffit de quelques semaines pour que ce phénomène se mette à l’oeuvre.

Telle rangée d’arbres qui nous amusait par sa régularité au cordeau devient peu à peu une simple ligne végétale dont la teinte varie au gré des saisons. Tel bâtiment aux proportions extraordinaires s’impose progressivement comme un élément indispensable à la cohérence du paysage.

La singularité est subtilement apprivoisée par les jours qui s’égrènent et la physionomie du quartier où nous vivons s’imprime sur notre rétine comme une perspective immuable.

Mais que survienne un changement, même minime, dans l’agencement de ce décor quotidien et l’on ressent avec une acuité renouvelée combien est fort l’attachement qui nous lie aux lieux où s’écrit notre existence.

Le premier réflexe consiste alors à convoquer les souvenirs. Des épisodes du passé resurgissent, des visages se redessinent avec netteté. On interroge à nouveau les raisons qui nous font préférer tel lieu à tel autre, emprunter tel itinéraire plutôt que tel autre…

On redécouvre que cet environnement familier n’est pas un simple théâtre dans lequel on évolue mais qu’il laisse en nous une empreinte durable et que, par nos usages quotidiens, nous aussi laissons un peu de nous-même dans ces lieux.

Le cheminement dans les souvenirs permet surtout de comprendre que cette construction de notre quotidien au sein d’un quartier relève d’un processus collectif. C’est une histoire qui se raconte à plusieurs voix et qu’il est important de transmettre si l’on veut poursuivre le récit avec une même sémantique.

« Les premières pierres du 175 qui tombaient, c’était comme les premières lignes de notre histoire qui s’effaçaient… »

Les opérations de réhabilitation de grande ampleur entamées au Charnois rendaient l’exploration de cette mémoire indispensable. Chacune des personnes que nous avons rencontrées a apporté sa pierre dans la reconstruction de l’histoire collective du quartier.

Notre travail s’est concentré sur le périmètre directement concerné par les premiers chantiers de la rénovation, c’est-à-dire le début de l’avenue de Champagne, l’avenue de l’Europe et les bois au-dessus de l’immeuble Taine.

Au fil des mois, nous avons glané des histoires, tenté de retracer les chroniques du Charnois. 

On nous a raconté les explorations mémorables dans les bois, les pique-nique à la casemate, les fêtes, l’histoire de la cage 45 qui a vu naître tant de bébés, et puis l’engagement des habitants, unis pour améliorer leurs conditions de vie.

Nos interlocuteurs esquissaient à travers leurs récits le portrait d’un quartier pour lequel ils ressentaient un attachement indéfectible. « Pourquoi j’ai eu ce coup de coeur pour le quartier ? C’est peut-être parce qu’il y avait autant de richesse humaine sur si peu de surface. C’était extraordinaire. Il y avait une diversité qui faisait sens ».

Nous voulions retranscrire au plus juste cette diversité, cette richesse. C’est pourquoi la forme du portrait nous a semblé la plus propice.

Les photographies sont proposées ici comme un cheminement, un parcours dans le quartier. Chaque portrait est semblable au chapitre d’une histoire qu’il revient au spectateur de composer à son rythme, avec sa propre voix.

Chaque image constitue également un fragment de mémoire auquel les habitants pourront se référer pour continuer à tisser ensemble le récit de leur quartier.

Cette exposition est dédiée à tous les habitants, actuels et anciens, du quartier du Charnois. Nous tenions à les remercier, ainsi que tous ceux qui nous ont apporté leur aide dans la réalisation de ce travail. 

Fanny Mauzat